La bande de Chris Martin, monsieur "Je suis le Bono du XXIème siècle", est de retour le 16 juin !
Et le moins qu'on puisse dire, c'est que le résultat est surprenant !
Avouez qu'il fallait oser ! Se servir du tableau d'Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple, comme pochette du nouvel album, et en plus de ça, peindre dessus, à grands coups de pinceaux, un ostentatoire "VIVA LA VIDA". Au moins, Coldplay nous prévient, c'est sympa de leur part ! Cet album sera différent. Fini les mièvreries qui ont fait leur succès, place à une musique plus recherchée, plus innovante, quitte à rebuter les anciens fans.
Il a toujours été de bon ton chez la critique musicale de casser du sucre sur le dos de Coldplay, l'archétype du groupe commercial, surproduit et surmédiatisé, ce que je n'ai pas toujours trouvé très justifié. Il est vrai que le dernier album, X&Y, était plein de morceaux pas originaux pour un sou, mais évidemment très vendeurs. Par contre, leur album précédent, le tubesque A Rush Of Blood To The Head (2002), mais aussi, et surtout leur premier album, Parachutes (2000), étaient, je trouve, de très bons albums. Coldplay alternaient alors à merveille des chansons grands publics à succès ("Clocks", "The Scientist", "Yellow", "Trouble"...) avec des morceaux dans une lignée plus indé, moins pop, avec des structures qui sortaient un peu de l'assommant schéma couplet-refrain-couplet-refrain-pont-refrain ("Spies", "Sparks", "Politik", "A Rush Of Blood To The Head" ...).
Alors oui, c'est facile de taper sur un groupe qui vend des millions d'album, qui nous exaspère par son omniprésence médiatique, mais restons honnêtes et admettons qu'au delà de tous le foin commercial qu'ils provoquent, les albums de Coldplay ont toujours été bons, certes peu inventifs, mais ce n'est pas leur but.
Voilà, maintenant attardons-nous sur ce nouvel album intitulé bien peu sobrement Viva La Vida or Death And All His Friends. Cette extravagance témoigne d'une certaine auto-dérision qui montre bien que malgré le succès, les gars de Coldplay gardent la tête sur les épaules et sont prêts à nous montrer qu'ils peuvent se renouveler. Pour cela, ils ont appelé à leur côté Brian Eno, le gentil monsieur qui a notamment aidé U2 à faire ses meilleurs albums (The Unforgettable Fire, The Joshua Tree, Achtung Baby...) à la fin des années 80. Heureuse coïncidence pour Chris Martin qui prend de plus en plus des allures de Bono des temps modernes, avec son engagement humanitaire. Et il faut bien avouer que Coldplay et Eno ont rempli le contrat à merveille ! Cet album est une franche réussite, s'aventurant la plupart du temps sur des terrains peu fréquentés par le groupe auparavant.
Première preuve : le morceau introductif, "Life In Technicolor", un instrumental (une première chez Coldplay !). Bon, ok, le titre fait peine à voir (c'est comment une vie en technicolor ?), mais il a le mérite d'annoncer le renouveau. Beaucoup de synthés, une guitare qui sonne comme un carillon, une autre guitare bien plus électrique, attention, préparez-vous au changement.
Etrangement, le soufflet retombe un peu avec le deuxième morceau, "Cemeteries Of London", qui commence de manière bien peu originale, malgré une influence des années 80 inédite. La présence d'une guitare électrique dans la veine de l'introduction nous conforte dans l'idée qu'on va y avoir droit plus souvent sur cet album que par le passé. Le reste est quand à lui dans le même style que les albums précédents.
Troisième morceau, "Lost !", est une claque miniature. Si la base du morceau est classique, dans le plus pur format pop, la forme, elle, fait preuve d'originalité avec un orgue, une rythmique assurée par des tapements de mains, et toujours cette guitare qui fait de brèves apparitions. Le chant caractéristique de Chris Martin peut agacer mais il faut bien avouer qu'il est juste et très bien adapté. Sûrement un futur single (à noter qu'il est présent en version acoustique piano/voix en tant que piste bonus).
Arrive ensuite "42" qui commence tout doucement au piano. Ça monte petit à petit en puissance avec des synthés et des violons, puis soudain un blanc, rapidement déchiré par une guitare distordue, puis une autre, encore plus violente. Le paroxysme atteint, on enchaine soudain sur un couplet pop, guitare acoustique et piano à la clé, puis de nouveau la guitare électrique qui joue une mélodie certes simple mais efficace. Ce morceau ressemble déjà à une synthèse de ce que souhaite accomplir Coldplay avec son nouvel album : jouer des morceaux libres de toute contrainte, sans structure précise, varier les styles au sein d'un même morceau.
Le morceau suivant, "Lovers In Japan/Reign Of Love", applique également un peu tout ça : il est divisée en deux parties différentes qui ne respectent aucun format précis. Malheureusement, la première n'est pas originale du tout, ce qui ne l'empêche pas d'être efficace, surtout dans son final. À partir de la 4ème minute, ça s'arrange, c'est tout calme, il y a peu de chant, juste du piano et quelques nappes de synthés. Cette deuxième partie ressemble à une sorte de bonus, un mini morceau pas vraiment achevé mais qu'on veut jouer devant son public pour lui faire plaisir.
La piste jouée ensuite, "Yes", est certainement celle qui est la plus représentative de la volonté d'évolution de Coldplay. Première constatation : elle est très longue (7min), très loin du format radio. Encore une fois, cette chanson est divisée en deux parties. Jusqu'à la 4ème minute, c'est plein de violons typés raï, accompagnés par une guitare hispanisante (ça rappelle un peu "City Of Delusion" de Muse, la furie en moins, la douceur estampillée Coldplay en plus). Passé la moitié de la chanson, on revoit totalement la copie : finis les violons, place à des accords de guitares, rythmés par une batterie bien carrée, et par dessus ça, une voix démultipliée par un écho bien senti. La progression vers la fin du morceau se fait par distorsion : la voix entre en résonance avec la guitare, et vice versa, jusqu'à ce qu'une deuxième guitare vienne prendre l'ascendant avec quelques arpèges suraigus. C'est sublime, et il y a de quoi regretter que ça ne dure qu'une moitié de chanson.
Aïe, voilà la première faute de goût de l'album, et il s'agit du morceau semi-éponyme "Viva La Vida". Ça regorge de violons à mi-chemin entre André Rieu et Titanic, ça donne mal à la tête, d'autant plus que Chris Martin ne peut s'empêcher de faire de grands "OHOOHOOOOOHOHOO !" par dessus. Dommage, pour le coup, le groupe s'est vu trop grand et se permet un morceau grandiloquent qui sonne vraiment faux. On passe.
Heureusement, tout de suite après, on a droit au premier single "Violet Hill", distribué gratuitement sur internet quelques semaines auparavant. Vu comme il passe partout à la radio et à la télé, tout le monde connaît : c'est bien plus violent que ce à quoi nous avait habitué Coldplay auparavant. De grosses guitares heavy, une batterie surpuissante, une basse vrombissante et un chant scandé qui laissent place sur la fin à un piano maladif. Vraiment surprenant pour un single, sûrement le choix de la surprise, histoire d'annoncer au public que Coldplay n'est plus le même groupe.
L'avant dernier morceau, "Strawberry Fields", est probablement le plus proche de ce que pouvait proposer le groupe sur ces précédents albums, la guitare électrique omniprésente en plus. C'est d'ailleurs la principale qualité du morceau : les arpèges de guitare aigus et légers sont vraiment superbes, et l'accompagnement sonne un peu nippon au début du morceau. Pour le reste, rien de très original. Cette piste montre bien ce que Brian Eno a pu apporter au groupe : même lorsque Coldplay tente de reproduire ce qu'il faisait avant, cela ne sonne plus pareil, c'est définitivement nouveau : la patte Eno est passée par là, et ce n'est pas pour déplaire.
La piste finale est la deuxième partie du titre de l'album : "Death And All His Friends". Ici les membres du groupe tentent de proposer une structure de morceau totalement inverse à la manière dont ils clôturaient leurs albums : la construction est en faite inversée. Ça commence comme si c'était la fin du disque, avec un duo piano/voix et le morceau se développe à l'envers, les guitares reviennent, d'abord très électriques, puis plus claires, avec beaucoup d'écho et soudain arrive l'intro, celle du morceau mais aussi celle de l'album. Exactement le même synthé que dans "Life In Technicolor", le premier morceau. Un peu comme s'il fallait mettre l'album en lecture répétée, de manière à ce qu'il ne se finisse jamais, que la fin du disque enchaîne directement sur l'intro, et ce en boucle. Une bien belle trouvaille (une de plus !) pour clôturer ce Viva La Vida or Death And All His Friends.
Le 16 juin sortira donc ce que je considère comme le meilleur album de Coldplay à ce jour, une perle faite de renouveau, d'audace et de splendeur. L'influence de Brian Eno se fait énormément sentir, non pas véritablement dans le style (même si on note des ressemblances avec les autres groupes produits par Eno) mais plutôt dans la réalisation, dans la manière d'aborder les compositions (Coldplay avait annoncé cette volonté de changement de style bien avant que soit nommé Eno à la production).
Peut-être que ce disque réconciliera la critique avec le groupe, en tout cas, il me semble indéniable que c'est un très bon album, une leçon donnée à tous ces groupes pop/rock qui s'enlisent dans leur soupe commerciale, alors que pendant ce temps, Coldplay est parvenu à se renouveler, proposant le parfait équilibre entre chansons à succès et inventivité , surprise et qualité. Si vous ne les supportez pas, vous allez souffrir parce qu'ils semblent bien partis pour faire parler d'eux pendant quelques années au minimum.
Verdict : 4/5
Le clip de "Violet Hill", dans sa version rebelle, seulement diffusé sur internet (ah tiens, ça rappelle un duo français qui fait de l'electro), à voir ! Si ça vous choque, la version TV est là.
La pub Apple pour l'album de Coldplay, de jolis effets lumineux mais malheureusement, c'est un extrait du morceau le moins bon de l'album, "Viva La Vida".
Myspace avec un lien vers un autre myspace où on peut écouter entièrement l'album, à condition d'être membre de Myspace et d'avoir Coldplay dans ses amis (vive la politique commerciale qui casse tout).
samedi 7 juin 2008
M20 - Coldplay : "Viva La Vida or Death And All His Friends"
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