samedi 28 février 2009

M66 - Solid Gold : "Bodies Of Water"

Les groupes electro-pop sont en pleine expansion, il en fleurit partout !
En voilà, un de plus, pas le plus mauvais, mais pas le plus créatif non plus. Quoique...


Aïaïaïe gros handicap dès le départ pour ce jeune groupe de Minneapolis : la pochette de l'album est vraiment moche ! Ajoutez à cette énorme faute de goût le fait que Solid Gold fait de la pop plutôt basique avec des synthés, une batterie, une guitare et des Mac (c'est mieux qu'un pc quand on est "artiste") et aussi qu'ils jouaient en première partie des concerts des Ting Tings aux USA, eh bien on se rend alors bien compte qu'il y a de quoi s'inquiéter pour Solid Gold avec déjà tous ces dangereux clichés.

Mais en fait non, on est agréablement surpris à l'écoute de Bodies Of Water. Ça commence d'ailleurs avec une piste assez étrange, "New Kanada", où se baladent des synthés psychés, une rythmique saccadée et des cordes arabisantes. Bref, dès le départ, Solid Gold brouille les pistes. Mais pas pour longtemps : "Armoured Cars", "Get Over It" et "Bible Thumper", trois titres très efficaces et entraînants, viennent tout de suite baliser le terrain. Ici, pas de place pour de quelconques délires expérimentaux, on joue de l'electro-pop pure et dure (ou presque) comme New Order pouvait le faire. Et il faut bien admettre que ça fait son effet. Les mélodies électroniques sont souvent bien trouvées et les arrangements aériens très travaillés contribuent à créer une ambiance ambigüe, mi-dansante mi-mélancolique.
Les plus anciens d'entre nous trouveront certainement dans leurs archives un antique groupe qui jouait exactement la même chose il y a 20 ans et dénonceront un manque certain d'originalité, mais pour les plus jeunes, ça ne posera aucun problème : Solid Gold ne fait que suivre ce revival actuel de la pop à synthés (faut croire que les prix de ces engins ont baissé).

Après un "Calm Down" qui ferait penser à un Coldplay électronique, "Neon Rose" lorgne quant à lui vers les élucubrations hispanisantes que Muse avait esquissé sur son dernier album. Mais ici, la sauce prend un peu mieux que chez les anglais grâce à un usage parcimonieux des claviers, un talent de composition certain, et une qualité de production toujours très élevée. "Those Who Go" propose de son côté une association plutôt réussie d'un synthé cristallin profondément ancré dans les 80's et d'un trio guitare/basse/batterie plus classique, le tout saupoudré de chœurs plaintifs. Le tout forme un semi-instrumental du plus bel effet qui prépare parfaitement à l'excellent "Synchronize", titre sur lequel Solid Gold parvient davantage à s'émanciper de l'influence de ses aînés. Le résultat est bien plus dans une veine indie que tout ce qui précédait et n'augure que du meilleur pour les deux morceaux qui achèvent Bodies Of Water.

Eh bien loupé ! "Just Like Everyone Else" fait partie de ses morceaux qu'on a l'impression d'avoir déjà entendu quelque part sans avoir où, c'est dire s'il manque vraiment de personnalité. Et ce ne sont pas des arrangements au filigrane qui changeront la donne : même si c'est bien éxécuté, aucun charisme ne se dégage de ce titre. Enfin, "Who You Gonna Run To ?" rappelle le dernier album de Ratatat, la voix en plus. On a vu pire comme comparaison mais on aurait préféré que Solid Gold affiche davantage d'assurance pour proposer sa propre mixture.

Heureusement pour ces américains, on sent un réel potentiel dans cet album, notamment au niveau de la qualité des compositions, des arrangements et des quelques trouvailles disséminées au fil des pistes. Mais pas de révolution musicale au programme aujourd'hui, juste un bon disque qui, s'il ne perdurera pas longtemps sur la platine sous peine de lasser, se laissera écouter de temps à autre avec plaisir.

Verdict : 3,5/5


"Bible Thumper"

Myspace

dimanche 22 février 2009

M65 - Yuksek : "Away From The Sea"

- Prétendant au titre de nouvel héritier des Daft Punk et de Justice, présentez-vous.
- Pierre-Alexandre Busson, Yuksek pour les intimes, 32 ans, habite Reims, a pratiqué le piano de longues années et possède une culture musicale plutôt diversifiée.


Yuksek
,
c'est un peu l'énième nouveau prodige de la scène electro française, ZE nouvelle star de la "French Touch 2.0". Mais ce qui est bien avec celui-là, c'est qu'il a pas encore l'air d'avoir pris conscience de cette étiquette que tout le monde lui a collé sur le dos.

Du coup, sa musique possède toujours ce je-ne-sais-quoi d'authenticité qui, chez d'autres, disparait à la minute même où le gars réalise qu'il est déjà au sommet et ce sans avoir rien prouvé. Alors qu'ici, on sent cette volonté de faire ses preuves, cette hargne dans la musique qui donne une toute autre saveur aux morceaux. Mais il y aussi une petite part d'insouciance dans ce Away From The Sea, un petit brin d'arrogance, celle du type qui clame haut et fort "moi aussi, je peux faire trembler les dancefloors".
En clair, Yuksek livre ici quelque chose d'assez complexe à interpréter, et c'est d'ailleurs ce qui transparait dans la musique. Ça part dans beaucoup de directions, souvent avec réussite, mais au final, on ne sait plus trop ce qu'on préfère. C'est comme si un pâtissier vous présentez tout son catalogue de douceurs, plus appétissantes les unes que les autres, à un tel point que vous ne savez pas quoi choisir.

Vous avez d'abord les bombes electro surpuissantes, nourries aux basses sismiques, aux beats parfois house, parfois hip-hop, aux vocodeurs et aux synthés eighties : l'intro "Break Ya", le puissant "Tonight" avec ses montées acides et ses paroles obsédantes, le frénétique "Extraball" qui profite au maximum du flow de Amanda Blank (de Spank Rock), les classiques mais néanmoins efficaces "Take A Ride", "This Is Not Today" et "I Like To Play", sous haute influence des Daft Punk et le joli final "Eat My Bear".
À côté de ça, on peut trouver d'autres titres qui lorgnent vers d'autres influences qu'on attendaient pas forcément, notamment la musique pop. Mais quand on écoute bien, on s'aperçoit qu'en réalité, elle transparait dans de nombreux morceaux de Away From The Sea. C'est le cas de "A Certain Life" qui fait éclater au grand jour ce que l'electronique peut avoir de plus pop, tout comme "So Far Away From The Sea" où Yuksek nous montre qu'il a bien écouté les derniers albums de Architecture In Helsinki. Mais un des coups de maître de l'album, c'est quand même d'avoir invité les canadiens de Chromeo et leur electrofunk jubilatoire sur "So Down", une des plus franches réussites du prodige français.
Enfin, Away From The Sea dispose également de son lot de piste plus apaisées et planantes comme "I Could Never Be A Dancer", épopée intergalactique digne des Midnight Juggernauts, et "Freak O Rocker".

Difficile donc de trouver d'énormes défauts à cette première production du français. Si l'on peut lui reprocher un léger manque de personnalité, on ne peut en revanche pas se plaindre de la qualité des morceaux. Certes, ils profitent tous d'une forte influence des aînés de la scène electro française (mais aussi internationale), mais ça ne leur enlève en rien leur puissance et leur efficacité. Par ailleurs, il semble également difficile de reprocher à Away From The Sea sa grande variété de styles quand on voit la façon dont ils sont tous maîtrisés. Yuksek a donc malgré lui lancé les hostilités pour 2009 : qui mieux que le rémois pourra représenter cette fameuse "French Touch 2.0" si elle existe ?

Verdict : 3,75/5


"Tonight"

Myspace

mardi 17 février 2009

M64 - N.A.S.A. : " The Spirit Of Apollo"

Imaginez seulement : deux DJs qui appellent tous leurs amis pour tenter de réunir tout le gratin electro/cool/hip hop/bling bling/rock/pop/hype sur un seul et même disque.
Après 5 années de labeur, le résultat est là et dure 1h13, compte 17 morceaux et pas moins de 37 invités différents !


Cette profusion de featurings interpelle tout de suite notre esprit critique : cet album en est-il encore un ? Ne s'agirait-il pas plutôt d'une énième compilation d'artistes en vogue, sans aucune cohérence ni intérêt musical ? Heureusement ici, la réponse est non.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, les deux cinglés qui forment N.A.S.A. sont parvenu à rendre une copie quasi-parfaite ! Les plus sceptiques diront que ce n'était pas bien dur quand on voit les invités qu'ils se sont payés. On pourrait aussi vanter leur mérite d'avoir su choisir les bonnes personnes et d'avoir été capables d'en tirer le meilleur.

The Spirit Of Apollo est évidemment un album très diversifié mais il verse principalement dans une musique hip-hop à fort penchant electro/pop comme en témoigne le single "Money" qui profite notamment des participations de David Byrne et de Chuck D (de Public Enemy) entre autres. On ne citera pas tous les invités pour chaque morceau, la moyenne se situant à 3 par piste. On ne s'attardera pas non plus sur l'apport de chacun d'entre eux aux différentes pistes. Ce serait une tâche au moins aussi gigantesque que celle accomplie par N.A.SA. sur cet album.

On retiendra néanmoins quelques tours de force. Tout d'abord, "Way Down" sur lequel RZA (membre du Wu Tang Clan) croise John Frusciante (des Red Hot Chili Peppers) et Barbie Hatch pour un groove malsain et pourtant si séducteur. Il y a également "Strange Enough" qui voit feu Ol' Dirty Bastard renaître de ses cendres le temps d'un featuring avec Karen O (des Yeah Yeah Yeahs) et Fatlip : un morceau qui profite d'un rythme et de flows puissants et d'un refrain divinement pop.
Vient ensuite la réunion la plus hype qui soit actuellement : Kanye West, Santogold et Lykke Li sur "Gifted". Une piste qui fonctionne à merveille avec ses basses ronflantes, ses synthés galactiques et les superbes chants de Lykke Li et Santogold. Ce morceau extrait vraiment le meilleur de ses trois invités pour les fusionner et ainsi obtenir un des morceaux les plus enthousiasmants de ce début d'année. Enfin, on n'oubliera pas "Whachadoin?", une chanson brûlante comme la braise, dont les flammes sont attisées par les riffs tranchants de Nick Zinner (guitariste des Yeah Yeah Yeahs), la rage electro/hip-hop de Spank Rock et les voix suaves de M.I.A. et Santogold, deux artistes souvent comparées dont la réunion était digne des rêves les plus fous.

Mais ces quelques morceaux ne constituent pas l'essentiel de l'album. The Spirit Of Apollo compte également son lot de pépites hip-hop qui voient quelques pontes s'illustrer (Method Man et Ghostface Killah du Wu Tang Clan, Chali 2na, The Cool Kids...) mais aussi des guests d'horizons plus divers comme Georgle Clinton, Seu Jorge ou Tom Waits. Et pourtant l'album ne se contente pas d'une bête accumulation de noms glorieux, ces diverses participations sont toujours cohérentes et chacune apporte sa pière à la fondation N.A.S.A..
Au final, le travail réalisé est réellement impressionnant et on ne peut que s'incliner devant la qualité de The Spirit Of Apollo. On espère qu'une suite puisse voir le jour dans le futur. Il faut juste que les deux DJs de N.A.S.A. ne perde pas leur recette magique... et leur répertoire téléphonique !

Verdict : 4,25/5


"Money" (feat. David Byrne, Chuck D, Ras Congo, Seu Jorge & Z-Trip)

Myspace

jeudi 12 février 2009

M63 - Franz Ferdinand : "Tonight"

Le rock pur et dur s'écroule...
Mais qui s'en soucie ?


Bon j'épargne à tout le monde la présentation générale du groupe : elle est pas bien intéressante et tout le monde connait déjà ce qu'il y a à savoir ("Taaaaake Meee Oouut !"). Bon, ok j'exagère là, Franz Ferdinand ne se résume pas à un seul single. Franz Ferdinand, c'est aussi deux albums : un éponyme (trop vu et entendu partout) et You Could Have It So Much Better (une perle pour moi).
Et voilà aujourd'hui ce Tonight: Franz Ferdinand... Et c'est un petit choc, en tout cas pour moi, de voir que la bande d'écossais a accordé une place bien plus prépondérante à l'électronique. Bon, c'est pas non plus devenu un énième Klaxons-like mais ils rejoignent quand même tous ces groupes qui petit à petit troquent leurs guitares contre de vieux claviers. Ici cependant, l'utilisation de synthés vintage se résume soit à l'installation d'une ambiance de fond, soit à une mélodie taillée pour le dancefloor.

Bref, Franz Ferdinand c'est toujours pareil même quand ça change. On retrouve toujours ces suites de notes que tout le monde retiendra, ces refrains entêtant, ces montées d'adrénaline qui feront des ravages sur les dancefloors ("Turn It On", "No You Girls", ...). Mais ça c'est ce qu'on pourrait penser si on écoutait seulement la première partie de l'album !

Car, une fois passée la moitié de Tonight, le groupe se décide enfin à assumer pleinement son virage stylistique. Car oui, Alex Kapranos et ses potes ont décidé de changer un peu la recette de leurs tubes à répétition. Et c'est bien là que joue un rôle déterminant l'apport des intruments électroniques. Les plaçant en constante opposition avec les éternelles guitares et basses, la musique de Franz Ferdinand gagne en profondeur. Mais cela n'apparait pas forcément aux premiers abords. C'est seulement après avoir passé la première phase "ouah c'est cool tous ces synthés !" et enchaîné sur la deuxième "pfff ça file la migraine tous ces synthés !"que l'auditeur pourra aborder la dernière étape "hé mais c'est intelligent d'avoir mis tous ces synthés !".

L'achèvement de cette transformation est le long "Lucid Dreams" qui étale sur 8 minutes le voyage depuis les contrées pop/rock, ô combien basiques mais efficaces, vers les rivages plus risqués de l'electro intrigantes aux basses vrombissantes et obsédantes, dignes des meilleurs (pires ?) bad trips. Mais du coup, on est terriblement frustré quand le groupe enchaîne ensuite sur deux morceaux calmes mais horriblement plats ("Dream Again", "Katherne Kiss Me"...). La gueule de bois, en somme.

Finalement, Franz Ferdinand a bien changé de style, mais en douce, et sur la fin ! Toujours attaché à produire son lot de tubes imparables, le groupe cherche tout de même à les rendre moins immédiats et plus travaillés. C'est pourquoi cet album gagne à être réécouté encore et encore, pour y discerner toutes les nuances apportées par l'utilisation de l'électronique. Ces chansons qui se résumaient autrefois à une franche partie d'éclate se teintent désormais d'une ambiance un peu dérangeante, voire délirante (le single"Ulysses" avait pourtant essayé de nous prévenir), mais cela montre bien qu'on peut encore attendre beaucoup de ces écossais.

Verdict : 3,5/5


"Ulysses"

Myspace