dimanche 23 août 2009

Devoirs de vacances

Vous l'avez certainement remarqué, on n'a pas été très actifs ces derniers temps. Au niveau de l'actualité musicale, notre retard va être difficile à rattraper : impossible de faire les chroniques des albums sortis pendant notre absence.
On se contentera donc d'une liste non exhaustive des disques et des titres qui nous ont marqué au cours des mois précédents, que ce soit en bien ou en mal.



ALBUMS EN VRAC


Tommy Sparks - s/t

Dix petites bombes pop sans prétention mais diablement efficaces. On sourit, on danse mais ça en reste là. Certainement pas le genre d'album qu'on écoutera des années durant, c'est clair. Mais ça n'empêche pas de l'écouter avec plaisir de temps à autre. [3,25/5]


Grizzly Bear - Veckatimest

On les attendait avec impatience et ils sont aux rendez-vous. Leur folk subtile et expérimentale parvient désormais à toucher presque toutes les oreilles sans faire trop de concession pour autant. Grandiose et majestueux, Veckatimest manque tout de même d'un soupçon de génie pour permettre à Grizzly Bear de titiller Animal Collective et les Junior Boys sur les hautes marches des classements de fin d'année. [4/5]


Wilco - Wilco (The Album)

Capable du meilleur comme du pire, le groupe américain se situe ici sur la tangente. Ni raté, ni réussi, cet album est juste basique et moyen. Le rock de Wilco a perdu toute sa personnalité, retournons écouter Yankee Hotel Foxtrot. [2,5/5]


Artistes divers - Kitsuné Maison Compilation 7

Le label parisien n'en finit plus de nous faire découvrir ses futures prodiges. Si le bilan est ici plus mitigé que d'habitude, cette compilation comporte toujours son lot de réussites : James Yuill et autoKratz remixés respectivement par Prins Thomas et Yuksek, "Beagle" des français de Chateau Marmont et la "Lisztomania" de Phoenix revue par Classixx font partie des titres qui impressionnent. Dommage qu'une demi-douzaine de morceaux se révèlent dispensables. [3,25/5]


Little Boots - Hands

Le parfait exemple pour appuyer la thèse que le format album est voué à mourir et que l'avenir est aux singles. Little Boots a été révélée par des morceaux accrocheurs ("Stuck On Repeat", "New In Town") mais se révèle incapable de tenir sur la durée d'un véritable long format. Heureusement que les titres cités plus haut sont là pour sauver la mise, bien qu'il s'agisse d'un triste recyclage. [2,25/5]


The Juan MacLean - The Future Will Come

À cheval entre passé et futur, le duo logé chez le label DFA (LCD Soundsystem, Holy Ghost!, ...) ressuscite une disco hypnotique et furieusement dansante. Se jouant des contraintes de temps (la durée des titres va de 3 à 12 minutes), The Juan MacLean évite parfaitement l'écueil du revival ridicule grâce à un esprit dance résolument moderne. [4/5]


Japandroids - Post-Nothing

Le son de ce groupe canadien est crade et noisy à souhait, mais les mélodies sont belles et bien là, camouflées sous de lourds effets de larsen et un chant plus crié qu'autre chose. Ça manque encore d'expérience et d'une bonne production mais les bases sont là pour obtenir un très bon album à l'avenir. On en reste au bon album pour l'instant, ce qui est déjà pas mal en soi. [3,5/5]


80kidz - This Is My Shit

Repérés grâce au titre "Miss Mars" sur la dernière compilation Kitsuné et par le biais de quelques remixes, les 80kidz (ça en fait des gosses à garder !) sont japonais et délivrent une électro puissante qui n'est pas sans rappeler celle de leur compatriote Shinichi Osawa. Ça n'invente vraiment rien mais ça fonctionne et ça ne mange pas de pain (ils sont bien ces gosses !) alors pourquoi s'en priver ? Mais gare à la migraine à la fin (eh oui les gosses ça fatigue... je suis lourd là ? bon ok j'arrête). [3/5]


Cymbals Eat Guitars - Why There Are Mountains

Restée bloquée dans les années 90, cette bande de jeunes new-yorkais a décidé de condenser ce qui se faisait de mieux dans le rock indé de cette décennie. Et force est de constater qu'ils y sont parvenus : cet album est une belle pépite, aux sons riches et variés, qui profite d'une maturité et d'un talent de composition rares à un si jeune âge (à peine 20 ans de moyenne). [4/5]


Tiga - Ciao!

Si Sexor avait su susciter l'enthousiasme en 2006, on comprend pourquoi ce nouveau disque passe relativement inaperçu cette année à l'écoute de cet album peu inspiré, assez répétitif et qui ne possède aucune chanson marquante. Tiga y alterne mièvreries romantiques et titres dancefloor sans véritable fil conducteur... Résultat : on s'ennuie ferme. Dommage, le son et la production caractéristiques du québécois étaient pourtant là. [2,25/5]


Rinôçérôse - Futurinô

Alors que Schizophonia est encore dans tout les esprits, le groupe de Montpellier revient avec un nouvel album qui sent un peu le réchauffé. On est par ailleurs désagréablement surpris par l'absence de prise de risque. Il n'empêche que la bonne vieille recette mariant rock et electro fonctionne toujours et c'est sans mal que Futurinô nous conduira sur le dancefloor. [3/5]


Major Lazer - Guns Don't Kill People... Lazers Do

Switch + Diplo = Major Lazer. Tout est dit... ou presque ! Car l'association de ces deux génies pouvait générer tout et son contraire mais ce qu'ils ont choisi, c'est de revisiter le ragga dancehall jamaïcain, en compagnie de tous leurs amis (21 invités en tout, dont Santigold, Mr Lexx, Amanda Blank, Crookers, Ms. Thing...). Au final, un album brûlant qui pousse aux danses effrénées, aux déhanchés tantôt suaves, tantôt frénétiques, et qui ne se gênera pas pour faire grimper la température dans vos soirées. [4/5]


Fukkk Offf - Love Me Hate Me Kiss Me Kill Me

La couverture, le titre des morceaux et le pseudonyme de l'artiste en témoigne, on est pas ici sur le terrain de la finesse. Si ce n'est pas un mal en soi, ça n'excuse pas la techno insupportable servie ici par le producteur allemand, dont l'absence de talent le conduit à enchaîner les lieux communs de l'electro plus-bourrine-tu-meurs. La violence de ce très long calvaire (73 minutes) n'a malheureusement d'égale que la migraine qu'il nous laissera une fois achevé. [1/5]


Discovery - LP

Ce duo formé par Rostam Batmanglij, aux claviers dans Vampire Weekend, et Wes Miles, chanteur de Ra Ra Riot, fait un peu figure d'ovni sonore avec son étrange mélange de rythmiques R'n'B, de synthés Bontempi, et de chants vocodés. Néanmoins, la sauce prend bien et se révèle même particulièrement goûteuse : le mélange final sonne comme de la pop électronique et mutante. Savoureux. [3,75/5]


La Roux - s/t

"Quicksand" nous avait bien plu. "In For The Kill" nous avait un peu fait peur. "Bulletproof" nous a vraiment fait peur. La Roux (l'album) confirme : La Roux (la chanteuse), c'est du toc. Derrière un look androgyne plagié sur Bowie, on retrouve un son 80's surproduit, une voix un peu trop Auto-Tunée, lisse et fade, et surtout aucune inventivité. L'album compte 12 morceaux mais un seul aurait suffi. [1,75/5]


Artistes divers - Edges : A New French Electronic Generation

Cette sympathique compilation (découverte par hasard à la Fn*c) montre à quel point les jeunes artistes de la scène electro française ont tendance à brasser les mêmes influences : sonorités 80's, italo-disco, synthés rétro et bien sûr new wave. La qualité moyenne des morceaux est plutôt bonne avec une mention spéciale pour les groupes suivants dont les noms seront jetés en pâture : Breakbot, Discodeine, Rove Dogs, Gentlemen Drivers, Anoraak, Chateau Marmont, Danger... Des formations à suivre donc ! [3,5/5]


James Yuill - Turning Down Water For Air

Londonien à tête de geek, partagé entre la folk et l'electro, James Yuill a décidé de ne pas choisir : il fait de la folktronica. Et très bien même. Son premier album est d'une fraicheur sympathique en cette fin d'été suffocante. Et il peut se vanter, avec son remixeur Prins Thomas, d'avoir fourni à la dernière compilation Kitsuné son meilleur morceau. [3,75/5]


The Dodos - Time To Die

Avec leur brillant deuxième album Visiter (après un premier opus passé inaperçu), The Dodos avaient été une des révélations de l'année 2008. Leur folk/rock minimaliste et psyché était particulièrement jouissif et entrainant. Les voilà donc qui reviennent à peine un an plus tard, le duo devenu trio depuis, et la recette reste quasiment la même. Dommage que Time To Die perde un peu de cette fougue un brin folasse et se contente davantage d'assurer. The Dodos étaient quand même nettement meilleurs quand ils étaient moins sages et plus sauvageons.[3,25/5]


Wild Beasts - Two Dancers

Les anglais confirment tout le bien qu'on pensait d'eux et surpassent même nos attentes. Toujours portés par le superbe falsetto de son chanteur, le groupe a mûri et développé son propre son. Les guitares occupent plus souvent le devant de la scène, les rythmiques sont plus variées et les ambiances toujours plus finement travaillées. Que du plus ! [4,25/5]


MSTRKRFT - Fist Of God

Grosse déception les amis ! Finie l'electro survitaminée et audacieuse de l'époque The Looks, maintenant le duo canadien nous sert de la techno plus-vulgaire-tu meurs, un peu à la manière de l'allemand Fukkk Offf (voir plus haut). Malgré quelques titres qui auraient pu sauver les meubles, le constat est accablant : MSTRKRFT est, pour rester poli, complètement parti en sucette. [2,25/5]


YACHT - See Mystery Lights

Voilà un bien étrange album de ce duo signé sur le label DFA. Difficile de décrire exactement le style musical, une sorte de pop électronique, funky et psyché. L'ambiance est en tout cas bien barrée et, s'il est parfois difficile de suivre le délire, l'album s'écoute avec grand plaisir et certains passages sont carrément extatiques. [3,5/5]


Simian Mobile Disco - Temporary Pleasure

Difficile de s'en sortir après un premier album si énergique et entrainant. Celui-ci a moins de pêche et devient presque classique. Quelques morceaux sortent du lot : "10000 Horses Can't Be Wrong" et peut-être "Cream Dream" qui, en morceau d'intro, semblait annoncer un album plus rock que ça... [2/5]


Gossip - Music For Men

Gossip a toujours été pour moi un groupe connu uniquement pour sa charismatique chanteuse Beth Ditto et quelques singles bien troussés. Malheureusement, ce n'est pas ce troisième album qui changera ça étant donné à quel point il est fade et trop propre sur lui. Combien d'albums ont déjà sonné exactement comme ça auparavant? Déjà trop pour pouvoir apprécier Music For Men à sa juste valeur. [2,75/5]


Why? - Eskimo Snow

Séance de rattrapage pour LBC qui se décide enfin à parler de Why? grâce à la sortie de ce troisième album. Essentiellement constitué de morceaux non retenus pour former leur précédent disque Alopecia, ce nouvel opus se révèle d'une qualité à peine inférieure à ce qui fut un des meilleurs albums de 2008. S'éloignant toujours plus de leur hip-hop originel, le groupe propose un mélange de pop et de folk à la fois mélancolique et optimiste où l'acoustique côtoie l'électronique avec bonheur et réussite. [3,75/5]


Amanda Blank - I Love You

Amanda, on la connaît notamment pour sa participation à quelques morceaux de Spank Rock mais aussi pour son apparition sur l'album de Yuksek pour le génial "Extraball". Néanmoins, une fois toute seule, les choses se compliquent. Son mélange d'hip-hop et d'electro manque cruellement de personnalité. Quelques passages sont assez entrainants et relèvent le niveau mais la plupart du temps, on s'ennuie. [2,5/5]


Bombay Bicycle Club - I Had The Blues But I Shook Them Loose

Ce jeune groupe londonien vient de sortir son premier album et c'est une vraie perle ! Partisans d'un rock épique au carrefour de plusieurs influences (post-punk façon Interpol, post-rock, britpop, ...), les anglais parviennent toutefois à proposer une musique jouissive et accessible. Les montées d'adrénalines sont fréquentes, ainsi que les refrains aux mélodies irrésistibles, et la superbe production ne fait que les magnifier. Ces jeunes-là sont vraiment pleins de talent et leur album est un des meilleurs sortis cet été. [4,25/5]


autoKratz - Animal

On connaissait "Last Show" et "Stay The Same". Ça nous suffisait. Maintenant, on a 11 titres du même acabit. Dit comme ça, ça pourrait paraître bien mais le problème c'est que ça devient vite répétitif et tout finit par se ressembler, surtout avec cette electro '80/90s dont on connait désormais toutes les facettes. Pris individuellement, les morceaux oscillent entre le "mouais pas mal" et le "wouah ça décoiffe". Écoutés bout à bout, ça donne plutôt : "il est pas rayé le disque ?". [2,75/5]


Julian Plenti - Julian Plenti Is... Skyscraper

Le chanteur d'Interpol en solo, sous un pseudonyme, ça avait de quoi interpeller. Finalement, rien de bien surprenant. On sent l'identité sonore du groupe new-yorkais sur laquelle sont venues se greffer les influences nouvelles plus personnelles de Paul Banks. L'album, assez hétérogène, oscille entre du rock classique et des variations plus intimistes et réussies. [3/5]


Bibio - Ambivalence Avenue

Déjà le cinquième album pour l'anglais Stephen Wilkinson, mais le premier chez Warp. Le programme ici est assez atypique avec un subtile mélange d'electronica, de pop/folk et d'expérimentations sonores. En tout cas, l'album est particulièrement irrésistible, chaque morceau possédant une identité et un charme uniques. On pourra peut-être reprocher à Ambivalence Avenue son manque de cohérence mais ce serait faire la fine bouche fasse à un si bel assortiment de ce que la musique d'hier et d'aujourd'hui peut proposer. [4/5]




MORCEAUX EN VRAC




mardi 23 juin 2009

M79 - Phoenix : "Wolfgang Amadeus Phoenix"

Difficile de faire plus pompeux comme titre d'album.
Mais vu comme on a attendu le retour de nos frenchies, on leur pardonne !


Le buzz était monté lentement mais sûrement autour du quatrième album des Versaillais en ce début d'année 2009. Cela a commencé avec la mise en ligne gratuite du fulgurant single "1901" sur lequel on découvrait une attirance toujours plus prononcée de Phoenix pour les sonorités électroniques. On apprenait simultanément que l'album était produit par Philippe Zdar (moitié du duo electro Cassius) et, là, on n'en pouvait déjà plus de saliver d'avance devant la bombe que nos petits français allaient nous sortir à coup sûr.
Et puis le coup du siècle : début avril, Phoenix devient le premier groupe français à être invité au Saturday Night Live (une émission très regardée de la chaîne américaine NBC). Ils y jouent deux titres live : l'inédit "Lisztomania" et "1901" donc. Les vidéos font le tour du net et partout on s'enthousiasme à nouveau pour notre bande de français.

Finalement, l'album sort fin mai et, tuons tout de suite le pseudo-suspense, c'est une réussite. Plus maîtrisé que l'incroyable United, plus inspiré que l'efficace It's Never Been Like That, ce nouvel opus des frenchies est bien le bijou attendu, composé de 10 titres (9 et demi en fait) qui sonneraient tous comme le chef d'œuvre d'une carrière pour n'importe quel groupe lambda.

Placés en ouverture, "Lisztomania" et "1901" sont des tubes en puissance, des titres capables de rester en mémoire pendant des années. Tout y est parfait, tout y sonne juste : la batterie frénétique, les guitares sautillantes, les basses ronflantes, les synthés lumineux et le chant particulier de Thomas Mars, à la fois juvénile et désabusé, tout est en symbiose et s'imbrique à merveille. Il en va de même pour le titre suivant, "Fences", plus mélancolique et simple sans être simpliste, qui est une véritable pépite pop.
Phoenix s'aventure ensuite dans un long titre, divisé en deux pistes : "Love Like A Sunset". L'expérience est quasiment inédite pour les français qui ne nous avaient pas habitués à ces sonorités épiques, ce long crescendo de rock progressif qui se termine sur l'arrivée au chant de Thomas Mars pour une conclusion enchanteresque.
L'enchaînement avec les titre suivants ne nous permet pas de nous en remettre car Phoenix nous assène avec "Lasso" et "Rome" deux titres somptueux : le premier est certainement le meilleur hymne pop/rock de l'année et le deuxième, à la fois frénétique et langoureux, nous démontre combien les versaillais ont muri. Si "Countdown" se démarque moins, cette chanson demeure une nouvelle démonstration de leur talent de composition, les membres de Phoenix maniant à merveille les envols et atterissages soniques à répétition. "Girlfriend" libère quant à elle plus de place aux claviers et aux rythmiques compressées caractéristiques du groupe.
Finalement, "Armistice", qui est probablement le titre le moins optimiste, vient mettre un point final à Wolfgang Amadeus Phoenix. On remarquera une intervention du clavecin de toute beauté au milieu du morceau. Une réussite de plus pour les frenchies, à tel point qu'on ne les compte plus.

Voilà des années qu'on clame leur talent, qu'on espère qu'ils recevront la même consécration en France qu'aux USA. Ce dernier opus de très haute volée pourrait donc bien leur assurer ce succès mérité. Wolfgang Amadeus Phoenix a en tout cas la trempe des albums qui marquent non seulement une carrière mais également les oreilles d'une génération.

Verdict : 4,5/5


"Lisztomania"

Myspace

dimanche 21 juin 2009

M78 - Passion Pit : "Manners"

Ça y est, la presse a son nouveau MGMT ! Ils sont jeunes et (peut-être) beaux, new-yorkais, en tout cas un peu geeks mais surtout très hype : voici Passion Pit !



Vous vous souvenez peut-être, on vous en avez parlé (en bien) lors de la sortie de leur EP Chunk Of Change ! Aujourd'hui, cela fait quelques semaines que leur album est sorti et qu'il déchaîne les passions. Porté aux nues par une bonne partie de la presse plus ou moins spécialisée (Inrocks, Libé, Technikart, L'Express, 20 Minutes, Pitchfork...), les Passion Pit ont également déçu une bonne partie de la blogosphère que les titres "Sleepyhead" et "Better Things" avaient pourtant mise en émoi.
D'ailleurs, une chose est claire : "Sleepyhead" est le seul titre non inédit de Manners mais également le meilleur. Le nouveau single "The Reeling" a bien essayé de faire mieux mais il donne un peu trop mal à la tête sur la fin pour susciter un même enthousiasme. Dommage, il partait bien avec ses nappes de synthé saccadées.

Manners est un album qui laisse une impression paradoxale. S'il ne contient quasiment aucun titre franchement raté (peut-être "Make Light" qui est sûrement le pire morceau introductif qu'il puisse y avoir... quel choix étrange), il ne dégage pas non plus une impression de franche réussite. La faute probablement a un manque évident de variété dans les mélodies et le choix des sonorités; mais également à un chant criard et suraigu parfois à la limite du supportable. Difficile d'écouter intégralement Manners plus de deux fois de suite, on finit avec une belle migraine et de mauvais mélanges de mélodies synthétiques qui résonnent dans les oreilles pendant toute la journée.

En revanche, placés au milieu d'une playlist de iPod, les titres de Passion Pit gagnent en efficacité. Ainsi, des titres comme "Folds In Your Hands", "Little Secrets" ou "To Kingdom Come" dégagent une bonne humeur immédiate tout à fait agréable. De son côté, "Sleepyhead" reste indémodable et ne lasse décidément pas.
En fait, les membres de Passion Pit n'ont pas conçu Manners comme un ensemble cohérent mais plutôt comme une succession de singles potentiels. Peut-être n'ont-ils même pas pris la peine de tous les écouter à la suite. Cela semble plausible, tant la répétitivité des mélodies saute aux yeux (ou plutôt aux oreilles). On se dit que c'est vraiment dommage car on sent un réel potentiel dans ces chansons qui donnent le sourire au détour de quelques notes de synthé carillonnantes ("Let Your Love Grow Tall") ou d'un refrain facile mais pourtant si jouissif ("Eyes As Candles").

On sent de la sincérité dans la démarche des Passion Pit mais ces derniers possèdent toutefois une marge de progrès non négligeable. Et pour y parvenir, il faudra déjà apprendre à chanter sans respirer de l'hélium avant et se trouver autre chose qu'un bon vieux synthé Korg pour jouer. Mais surtout, il faudra varier les mélodies, les arrangements et ne pas concevoir chaque titre indépendamment de l'album qu'il contribue à former. En attendant un deuxième disque nourri de ces progrès, vous pouvez toujours laisser trainer quelques morceaux de Manners dans votre iPod : à petite dose, ça ne peut vous faire que du bien !

Verdict : 3/5


"The Reeling" (et un clip à l'image du titre : sympathique mais surchargé d'effets)

Myspace

mardi 19 mai 2009

M77 - Maxïmo Park : "Quicken The Heart"

Maxïmo Park, ou l'histoire d'un espoir déçu.
Un de plus...


On les avait adorés sur A Certain Trigger, armés de titres brillants comme "Apply Some Pressure" ou "Graffiti", puis on les avait un peu zappés avec leur deuxième album, Our Earthly Pleasures, une resucée de leurs premiers ébats, la saveur et l'inspiration en moins. Et aujourd'hui, revoilà une troisième fois Maxïmo Park pour un Quicken The Heart qui, hélas, poursuit sur cette pente descendante.

À l'image des Rakes, la bande du sympathique Paul Smith (le chanteur, pas le couturier) ne parvient guère à se renouveler et s'enlise dans une pop/rock so british sous l'influence d'un post-punk blafard. L'écoute de Quicken The Heart d'un bout à l'autre est longue et monotone. Maxïmo Park nous abreuve de guitares tantôt sautillantes, tantôt rageuses, de claviers vintage, de chœurs en "ohoho" et de rythmiques simplistes cherchant juste à faire monter la pression avant le refrain. Le plus triste, c'est que, cette fois-ci, aucune chanson ne sort du lot. Autant Our Earthly Pleasures profitait de 2-3 réussites comme "Girls Who Play Guitars" ou "Books From Boxes", autant ce nouvel album est désespérément lisse et ennuyeux. Les 12 morceaux qui le constituent s'enchainent comme autant de clones dénués de personnalités. Cela donne plus de 37 minutes d'un rock pataud qui est toujours à la recherche des mélodies lumineuses que pouvait concocter Maxïmo Park il y a déjà 4 ans (aaah "Going Missing", quand auras-tu un digne successeur ?).
Mais la plus grande déception reste le chant de Paul Smith, qui n'est absolument pas mis à profit. Pourtant reconnaissable entre mille, doté d'un charisme rare, il se cantonne ici au rôle du gentil petit garçon qui récite le poème que la maîtresse lui a demandé d'apprendre, en plaçant quelques intonations en fin de vers pour ne pas paraître monocorde. La folie et la gouaille de l'époque de A Certain Trigger n'étant plus de la partie, sa voix perd tout son cachet.

En fait, Quicken The Heart déçoit d'autant plus que le souvenir de ce premier album irréprochable est encore bien présent dans nos oreilles. Et une réécoute de A Certain Trigger abaisse encore plus l'estime accordé au dernier album de Maxïmo Park car il témoigne de la capacité de ce groupe à faire bien mieux.
Il faut donc souhaiter aux anglais de retrouver l'inspiration et la spontanéité de leurs premiers exploits. En effet, si Quicken The Heart n'est pas fondamentalement un mauvais album (il reste tout de même largement écoutable), il souffre avant tout d'un manque certain d'engagement et de prise de risque de la part du groupe. Alors que les Rakes avaient bien compris qu'à défaut d'inventer l'eau chaude, ils pouvaient donner tout ce qu'ils avaient dans un rock énergique, Maxïmo Park est devenu bien mollasson.

Verdict : 2,25/5


"The Kids Are Sick Again"

Myspace

vendredi 8 mai 2009

M76 - Bloc Party : "Intimacy Remixed"

Notre album favori de 2008 passe à la moulinette !


Comme pour leur premier opus, Silent Alarm, on a droit à une version revue et corrigée du dernier album de Bloc Party, Intimacy, reprenant le tracklisting de l'original mais où chaque titre se voit remixé par des gens plus ou moins connus. Déjà à l'oeuvre sur Silent Alarm Remixed, on retrouve par exemple Mogwai et Phones qui nous donnent cette fois-ci leurs versions de "Biko" et "Talons". Cependant, le casting est majoritairement renouvelé et des petits nouveaux sont venus apporter leur coup de scalpel, comme Hervé, We Have Band ou No Age, de jeunes groupes qui ont fait parler d'eux ces derniers temps.

Différents types de relectures se détachent. Tout d'abord, il a ceux qui ont opté pour une version dancefloor efficace et sans bavure, à l'image des Villains et de leur version coup de poing de "Ares". Généralement, rien de bien original dans cette veine-là mais quelques jolies réussites. Alors que le "Mercury" de Hervé est délicieusement sombre et acide à souhait, Armand Van Helden impressionne avec sa version revue et corrigée du mélancolique "Signs". À l'image du clip tourné pour l'occasion, ce remix chaudard fleure bon le vice et apparait comme la face cachée et obscure du titre d'origine. Phones (aka Paul Epworth, producteur du groupe) offre de son côté une superbe interprétation de "Talons". On pense à Calvin Harris pour l'influence disco mais à MSTRKRFT pour les basses ronflantes ou aux Daft Punk pour les voix samplées à l'extrême. Un cocktail sympathique pour un des titres forts de cet Intimacy Remixed.

Deuxième variation possible : celles qui se contentent de reprendre l'atmosphère des morceaux de départ. C'est le cas par exemple de "Zephyrus" et "Biko" remixés respectivement par Phase One et Mogwai. Malheureusement, dans les deux cas, cela manque profondément d'inspiration, un peu à l'image (et ça n'est sûrement pas un hasard) du derniers album des post-rockeurs écossais, The Hawk Is Howling. En revanche, le remix de "Your Visits Are Getting Shorter" par Optothetic se présente comme une sympathique extension d'un morceau initialement très réussi mais qui ne paraissait toutefois pas aller au bout de son potentiel, ce qui semble désormais rectifié.

Enfin, certaines chansons se voient totalement déportées vers d'autres horizons musicaux. C'est le cas par exemple de "Trojan Horse" qui, grâce à John B, carbure désormais au drum'n'bass et s'étale à present sur 7 minutes (le double d'origine !) de pure transe électronique. "One Month Off" subit également une belle transformation sous la main des Filthy Dukes. Les sonorités synthétiques ont remplacé les riffs électriques et les claviers se chargent désormais de faire monter l'adrénaline. On pourra également citer les prouesses de Gold Panda sur "Letter To My Son" ou encore l'appropriation totale de "Better Than Heaven" par No Age. Il y a cependant une ombre au tableau, et pas des moindres : c'est le massacre de "Ion Square", le morceau le plus abouti de Intimacy, par Banjo Or Freakout. Plus aucune émotion ne subsiste, seuls restent des vrombissements sans consistance. Une honte.

Au final, si Intimacy, version d'origine, donnait l'impression par moment d'être déjà une version remixée, cette nouvelle mouture parvient tout de même à donner un nouveau souffle à ce disque qui aura fait moins de bruit qu'il ne l'aurait mérité. Séance de rattrapage donc avec cette fournée de remixes dans l'ensemble assez réussis.

Verdict : 3,5/5



"Signs" (Armand Van Helden Remix)

Myspace (sur lequel est proposé un sympathique concours de remixes)

vendredi 1 mai 2009

M75 - Krazy Baldhead : "The B Suite"

Un peu d'étrangeté dans ce monde de clones.


Un nouveau signé chez Ed Banger. Enfin, nouveau est un bien grand mot, il était sur les trois premiers volumes de Ed Rec. Bon, c'est son premier album chez Ed Banger en tout cas ! Et, alors que Justice, SebastiAn et Mr Oizo se chargent de distiller le "pur son Ed Banger French Touch trop hype dans votre Hyper et sur votre radio toujours première dans votre département (quelque soit votre département)", eh bien pendant ce temps-là, Krazy Baldhead concoctait un album digne de ce nom. Pour que vous situiez un peu, Krazy Baldhead c'est en quelque sorte le "pari de Pedro Winter sur un mec à la limite de l'expérimental". Oui, parce que Pedro ce qu'il veut c'est "être le catalyseur de la nouvelle French Touch", et Krazy Baldhead c'est un peu l'électron libre du label.

L'album est composé de quatre mouvements (je n'arrive pas à savoir si c'est de la dérision ou pas) de quatre parties chacun sauf le dernier qui en compte cinq.
Quatre mouvements donc comme quatre longs morceaux qui passent chacun par des influences différentes.

Le premier commence par des violons inquiétant un peu façon Philip Glass, et puis les synthés prennent le dessus petit à petit jusqu'au début du deuxième morceau où le rythme devient beaucoup plus hip-hop. C'est là d'ailleurs, je crois, la force de Krazy Baldhead : passer d'un style à l'autre presque sans qu'on ne s'en rende compte et sans perdre son style propre. Dans le troisième morceau, on repart vers quelque chose de très électro, toujours avec les mêmes instrus mais agencés autrement. Le morceau retient notre souffle avec un rythme de locomotive jusqu'au quatrième où ce même rythme est cassé comme s'il commencait à arriver en bout de course. D'ailleurs, il disparait presque pendant un moment, le temps que les synthés se mettent à tourner en boucle. On sent la fin de ce mouvement arriver : les instrus s'arrêtent les uns après les autres, le rythme ralentit.

D'ailleurs, un semblant de musique de film type espionnage commence. Mais ça ne dure pas c'est rapidement remplacé par des trompettes jazz. On se retrouve sur le deuxième morceau du mouvement. On s'en rend compte quand on entend quelqu'un chanter, on regarde : "ah oui, c'est un morceau avec Tes ". Ça prend des allures hip-hop/jazz et évoque le premier album des Birdy Nam Nam. Les morceaux passent très vite et on se retrouve sans s'en rendre compte au quatrième morceau du mouvement. Le rythme ralentit, les trompettes jouent en solos. Je ne sais pas si c'est parce que je l'ai trop écouté, mais cette fin de morceau a l'air un peu attendue et plus ou moins originale...

Le troisième mouvement commence par "niaaaaa" genre zen (oui oui) sur lequel s'ajoute un rythme et, se rapprochant, un synthé aigu qui joue une mélodie qui fait penser aux voix façon Dan Deacon. Mais ça n'est qu'une intro car très vite Big-O et Mlle Yulia s'imposent avec un flow énergique et même énergétique tellement il donne envie de bouger. Ne reste que le rythme saccadé du début et parfois la mélodie (juste sur Big O). Et puis, même schéma, un espèce de dégradé ou alors de fondu enchainé nous amène au morceau suivant. Des bruits bizarres, comme des interférences et une mélodie du même type jusqu'au milieu du morceau où on crois un autre morceau arriver alors qu'en réalité, c'est toujours le même. Ensuite arrivent des voix un peu christiques MAIS au vocodeur (!) : c'est rigolo. Elles introduisent un featuring avec Outlines. Des guitares vocodées elles aussi, des effets sur le treble : un morceau étrange aux influences pop (un peu à la Yuksek) et hip-hop. Ce morceau finit à merveille le troisième mouvement.
Le quatrième et dernier mouvement est surement le meilleur de l'album, un mélange Birdy Nam Nam (d'avant)+Kavinsky+Boyz Noise mais dans une ambiance inquiétante. C'est surprenant...
Je vous laisse le plaisir de l'apprécier vous même !

Finalement, Krazy Baldhead ne se laisse pas enfermer par ses influences (ô combien différentes). Au contraire, il en joue et les manipule presque à la perfection.


Verdict : 4/5


Krazy Baldhead, Sweet Night, “The B-Suite” (Ed Banger)


Found at skreemr.com

mercredi 29 avril 2009

M74 - Junior Boys : "Begone Dull Care"

Plus sensuelle et humaine que jamais, la pop synthétique des Juniors Boys nous revient pour un troisième opus de toute beauté.


Begone Dull Care est un hommage au court-métrage éponyme signé par Norman McLaren et on peut voir sur la pochette le titre français du film, ainsi que la traduction plutôt étrange du nom du groupe et des titres de chaque morceau. Voilà pour la petite histoire, passons maintenant à l'album en lui-même.

Plus courte qu'à l'accoutumée (seulement 8 morceaux), cette nouvelle livraison des Junior Boys apporte toujours son lot de pop synthétique, empreinte d'une new-wave tantôt sombre, tantôt aérienne, et garnie de beats obsédants et de mélodies insidieuses qui ne vous lâchent plus.
Le titre introductif, "Parallel Lines", en est la parfaite illustration : au commencement, le morceau n'a l'air de rien mais, au fur et à mesure que les minutes s'écoulent, le duo canadien égrainent des sonorités électroniques qui finissent par former un ensemble cohérent. Et quand, finalement, tout s'imbrique parfaitement (chant soufflé et faussement lointain y compris), on est sous le charme. Il n'y avait pas meilleur manière pour lancer ce Begone Dull Care : "Parallel Lines" prend son temps pour monter en puissance, nous familiariser au "son" Junior Boys, et ça fonctionne.
L'enchaînement avec "Work" est d'ailleurs extrêmement réussi. Un nouveau beat sombre vient poser une trame électronique entêtante sur un rythme légèrement plus soutenu tandis que des sonorités plus lumineuses font leur apparition. Cette ambiance technoïde reçoit alors la visite du chant doux-amer de Jeremy Greenspan dont les "Work it, baby, work it" sonnent comme un leitmotiv. Quand la piste s'achève, deux morceaux de 6 minutes 30 viennent de passer comme des éclairs (de génie). L'air de rien, les Junior Boys nous ont remis dans le bain de leur electro pleine de finesse aux délicieux accents 80's.

"Bits & Pieces" vient ensuite répandre sur quatre petites minutes un petit vent de fraîcheur assez réjouissant : on nous sert ici une pop rythmée et entraînante où des saxophones font la rencontre avec des synthétiseurs tout droit sortis d'une borne d'arcade période Space Invaders. Un délice.
Nouveau pas vers des cieux éclaircis avec "Dull To Pause" qui évoque un morceau des Vampire Weekend avec ses claviers enfantins et sa mélodie ensoleillée. Jeremy Greenspan en profite d'ailleurs pour élever la voix un peu plus tandis que son compère aux manettes, Matt Didemus, lance petit à petit de plus en plus de boucles électroniques avant d'y mettre fin sous le poids d'une rythmique lourde. Le voyage s'achève sur des samples tout droit tirés d'un spot publicitaire pour le tourisme aux Antilles qui confirment le dépaysement voulu pour ce morceau plein d'optimisme. Vient ensuite le single "Hazel", très dansant et groovy, une petite bombe de pure pop électronique, empreinte de romantisme et d'esprit new wave. Les deux Junior Boys confirment leur savoir-faire dans le domaine et déploient un arsenal de claviers discoïdes, de basses rondelettes et de rythmiques sèches au service d'un chant romantique qui fait mouche.
Le coup de grâce vient avec "Sneak A Picture" et "The Animator". Après 5 titres somptueux, la barre est mise encore plus haut sur ces deux démonstrations où tous les meilleurs aspects du son des canadiens se retrouvent. Difficile d'en dire plus, le rythme est lent et songeur sur "Sneak A Picture", plus soutenu et dansant sur "The Animator", les sonorités acoustiques et électroniques s'enchaînent et se mêlent avec une grâce et une fluidité inouïe alors que la voix mélancolique de Greenspan apparait plus que jamais comme la cerise sur le gâteau. Du grand art qui laisse pantois. Les Junior Boys maîtrisent leur son à merveille et chaque piste profite d'arrangements minutieux et d'une production pleine d'élégance.
Enfin, "What It's For" apporte une conclusion toute en légèreté en opposition avec les ambiances obscures des premières pistes. Toujours aussi addictives, les boucles et mélodies électroniques nous transportent une dernière fois vers des horizons de toute beauté qu'on ne quitte qu'à regret quand Begone Dull Care prend fin.

Après deux albums maîtrisés de bout en bout, on n'attendait plus grand chose du duo formé par Jeremy Greenspan et Matt Didemus et pourtant ils parviennent encore à nous surprendre. Abandonnant pas à pas les ambiances sombres dans lesquels ils se complaisaient (et nous aussi), ils teintent désormais leur musique d'un optimisme et d'une luminosité nouvelle. Begone Dull Care fait partie de ces délices dont le goût est long à venir en bouche et qui ne révèle toutes ses saveurs qu'à force d'écoutes. Sa richesse musicale et son élégance raffinée possèdent un charme rare qui en fait d'ores et déjà un des grands albums pop de 2009, aux côtés du Merriweather Post Pavilion d'Animal Collective.

Verdict : 4,5/5


"Hazel" (désolé, pas de vidéo disponible)

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vendredi 17 avril 2009

M73 - The Rakes : "Klang"

Troisième livraison pour le combo rock britannique, délocalisé pour l'occasion à Berlin !
Vous y voyez une différence vous ?



À en voir l'absence quasi-totale d'innovation dans la musique des Rakes, on se demande quelle a été l'utilité de s'installer à Berlin pour enregistrer cet album ? Il semblerait que la capitale allemande, qui a autrefois vu défiler des personnes sympathiques comme Lou Reed, David Bowie ou Iggy Pop, n'ait pas bien marqué l'esprit de nos quatre anglais. Du coup, ce Klang ressemble comme deux gouttes d'eau aux précédents opus de la formation, Capture/Release et Ten New Messages.

Évoluant dans un style post-punk depuis sa formation en 2004, la bande des Rakes nous sert sur chaque disque une dizaine de morceaux urgents, défilant tous à un rythme effréné (durée maximale : 3min30), portés par des calvacades de guitares incives et des rythmiques mitraillettes. Malheureusement, il n'y a guère plus à signaler au niveau musical : toutes les pistes se ressemblent et, au cours de l'écoute, on revient souvent regarder la liste des titres, histoire de vérifier qu'il s'agit bien d'une chanson différente de la précédente. Le tempo varie rarement et Klang s'écoule d'une traite, comme une seule piste de 29 minutes.

Néanmoins, si tous les morceaux se ressemblent, cela n'enlève rien à leur efficacité. "You're In It", qui sonne comme les débuts des Strokes, envoie du lourd dès l'entame du disque, tandis que le single "1989", à l'image de "Open Book" sur leur premier album, se révèle très accrocheur, avec son refrain en "lalalalala" qui doit être jouissif en live. Justement, il est clair que The Rakes est un groupe fait pour le live, tous les morceaux possèdent un potentiel fédérateur idéal pour mettre le public dans sa poche, à coup de montées électriques et de breaks, double-breaks et triple-breaks successifs.
Toutefois, un album studio ne doit pas sonner comme un concert et c'est bien là que pêche Klang, affichant bien peu de finesse dans chacune de ses pistes. Seule la basse, bien que sans originalité, tire parfois son épingle du jeu, ainsi que le chant de Alan Donohoe, qui affiche des progrès évidents depuis Capture/Release.

En clair, Klang est un album à écoute unique car dès qu'on y revient, le rock urgentissime servi par les Rakes perd toute sa spontanéité et se révèle alors lourd et indigeste. Si le cocktail paraissait encore frais à l'époque de Capture/Release, aujourd'hui le revival post-punk a perdu tout son souffle.

Verdict : 2,5/5


"1989"

Myspace

jeudi 9 avril 2009

M72 - Yeah Yeah Yeahs : "It's Blitz !"

Retour des trublions new-yorkais pour un troisième album qui cède aux sirènes de l'électronique.


On les a découverts à l'aube des années 2000 grâce à quelques singles ravageurs, portés par les riffs gras de Nick Zinner, l'urgence punk de Brian Chase et la voix étincelante de Karen O. Puis, encensés par tous en 2003 pour leur furieux Fever To Tell, premier album de haute volée, les Yeah Yeah Yeahs ont ensuite énormément déçu avec un Show Your Bones mollasson et sans saveur. On attendait donc énormément de ce troisième opus, qui se devait de remettre le trio sur le devant de la scène.
Eh bien ils ont choisi de surprendre en optant pour le tout electro (ou presque). Pourtant la démarche n'est pas très originale : en ce moment, un nombre insensé de groupes décident d'échanger leurs guitares contre des claviers (Franz Ferdinand, Phoenix, Bloc Party...). Mais ici, le revirement est radical. It's Blitz! ne contient que peu ou pas de guitare électrique, les synthés ont tout envahi et mènent désormais la danse. Car c'est bien de danse qu'il s'agit ici, en tout cas sur les deux premières pistes : "Zero" et "Heads Will Roll" sont deux bombes survitaminées, dopées aux boucles électroniques et aux envolées synthétiques et qui, grâce aussi au chant de Karen O, emportent facilement l'adhésion, malgré de grosse ficelles un peu trop apparentes.

Juste après, c'est la rupture. Toujours de l'électronique mais une ambiance plus posée et des sonorités plus travaillées viennent transcender deux superbes pistes : "Soft Shock" mélange habilement riffs et mélodies synthétiques, tandis que "Skeletons" lorgne avec réussite du côté d'une pop atmosphérique et décolle au son de rythmiques martiales. Petit retour en arrière avec "Dull Life" et "Shame And Fortune" où on retrouve plus ou moins la recette que nous servaient les Yeah Yeah Yeahs auparavant, à savoir du rock bien crade et enlevé, qui manque un peu de finesse mais qui emporte aussi tout sur son passage. Ça reste quand même assez fade, plus proche des titres de Show Your Bones que ceux de Fever To Tell. On zappe.
Changement de registre avec "Runaway" : une ballade assez étonnante qui comporte un final épique, limite shoegaze, où règne en maître Nick Zinner et sa guitare pleine d'effets. "Dragon Queen" et "Hysteric" viennent ensuite chasser sur le terrain d'une electro-pop pas très inventive et donnent l'impression que cette nouvelle identité musicale des Yeah Yeah Yeahs commence déjà à manquer de souffle. Heureusement, "Hysteric" est rattrapée par une jolie fin qui permet d'aborder "Little Shadow", le dernier titre de It's Blitz!, dans de bonnes conditions. Ce morceau est de ceux qu'il faut écouter les yeux fermés, pour s'imaginer les grands espaces évoqués par d'amples échos électroniques et une rythmique toujours aussi judicieuse, très cinématographique.

Il est certain que cet album décevra un très grand nombre de fans attachés aux premiers ébats électriques des Yeah Yeah Yeahs mais il faut bien admettre que globalement, le virage est réussi. Ceux qui crachent sur cette invasion des synthés au sein des groupes rock peuvent dire tout ce qu'ils veulent, il n'empêche que cela se fait souvent avec réussite et permet d'ouvrir de nouveaux horizons à des formations en perte de vitesse, ce qui était le cas du trio mené par Karen O. Il reste après à faire le tri dans tout ce que propose l'électronique et essayer de ne pas faire du déjà-vu/entendu. Cela ne devrait pas être insurmontable pour Nick Zinner et ses comparses, tant It's Blitz! regorge de promesses et d'inspirations nouvelles.

Verdict : 3,5/5


"Zero"


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mercredi 8 avril 2009

M71 - School Of Seven Bells : "Alpinisms"

Fondé par Ben Curtis, le guitariste de Secret Machines, et les sœurs jumelles Deheza de feu On!Air!Library!, voici la nouvelle coqueluche hype de 2009.
Faut croire qu'après Animal Collective, la mode commence à avoir bon goût !


Voilà, il s'agit de School Of Seven Bells, ça s'abrège officiellement en SVIIB et pour mettre les choses au point tout de suite, l'album, intitulé Alpinisms (étrange ce pluriel...), est vraiment une sacrée claque ! Pas une claque comme celle qu'essayaient de nous infliger (en vain) les Secret Machines avec leur rock pataud et sans originalité, mais plutôt une claque comme peut en infliger un album né de la parfaite alchimie entre trois musiciens talentueux et dont la créativité était jusqu'alors tristement muselée.

Étrangement, l'influence musicale des anciens groupes des membres de SVIIB ne transparait jamais au sein de l'album. Ici, pas de guitares frondeuses ou de post-rock tristounet, mais beaucoup de shoegaze, de rythmiques tribales, de boucles électroniques répétitives et d'harmonies vocales éthérées.

Alpinisms est un album à écouter d'une traite et en boucle car il révèle toute sa saveur à mesure que notre esprit s'imprègne des moindres sonorités électroniques proposées par l'ex-guitariste, reconverti programmeur, Ben Curtis dont la rigueur mathématique sévissait déjà chez les Secret Machines. Petit à petit, alors que les morceaux défilent, on finit par être subjugué par ce cocktail magique de tribalité, de mélodies synthétiques et de voix vaporeuses.
En revanche, prenez une chanson de manière isolée et, à moins de tomber sur les douceurs immédiates de "Half Asleep" ou "Chain", vous trouverez cette musique morne et hermétique. Car toute la subtilité de cet album, finalement pas si facile d'accès, réside dans sa lente progression, et la capacité de SVIIB à faire sauter petit à petit tous les verrous de nos goûts musicaux pour nous submerger de la richesse de titres comme "Face To Face On High Places", "Wired For Light", "Connjur" ou "My Cabal".

Parvenant à surprendre, tout en évoquant une quantité faramineuse de références musicales, la musique proposée par le trio propage une transe irrésistible dans l'esprit de celui qui l'écoute. Le plus dur, au final, est de laisser cette transe entrer, pour permettre à son goût étrange imprégner nos papilles auditives, et la première chose à faire est donc de ne pas prendre peur devant les bizarreries musicales et le chant psyché des sœurs jumelles, gorgé de soupirs, de cris hallucinés, de paroles psalmodiées et d'envolées aériennes. Une fois accepté cela, Alpinisms sonne comme un coup de maître et son écho résonne encore longtemps dans nos oreilles après qu'il se soit achevé.

Verdict : 4,25/5

"Half Asleep"

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dimanche 5 avril 2009

M70 - Izia : "Izia"

Izia c'est le groupe de Izïa Higelin mais c'est moins rentable avec le [¨] sur le i.



Sinon, pour le reste, c'est une meuf cool, on dirait. Bon, déjà c'est la fille de JacquesHigelin (une filiation qui aide à démarrer); ensuite c'est la sœur de Arthur H (ça aide aussi) et puis EN PLUS elle fait rien comme son frère ou son père, et alors ça, c'est cool. Izia, elle fait pas genre "je fais de la chanson française comme papa et Arthur". Déjà, elle ne chante pas en français mais en anglais. Ensuite, elle nous sert un rock presque punk, presque pop, peut-être un peu anglais mais, en tout cas, efficace !

Bon autant le reconnaître tout de suite, Izia n'est pas hyper original. Ça fait penser à Juliette and the Licks mais sans les effets bizarres sur la voix. Ou alors à Gossip aussi...

"Back In Town", premier morceau de l'album détonne et on comprend vite que Izia, c'est pas un groupe qui se la joue petite voix gentille+piano. Le morceau commence pas un "trifouillage tranquille" de guitare électrique et d'un coup l'ampli monte et, de concert, on a basse, guitare, batterie et voix (Izïa). L'album va du très rock avec ce morceau, "Lola", "The Train" et "Let Me Alone" à la pop limite folk de "Disco Ball" et "Sugar Cane" en passant par du pop/rock façon Soko (mais énervée) avec "Life Is Going Down" et "The Light".

Comme pour beaucoup de premiers albums, on fait du name-dropping parce qu'on ne peut faire qu'entendre les influences de l'artiste. Mais comme peu de premiers albums, on sent déjà une personnalité et il semble qu'on ne peut qu'attendre avec impatience un deuxième album !
En patientant, vous pouvez aussi écouter celui-là qui sort le 13 avril ! Et elle sera au Printemps de Bourges et à Solidays. Un bon début non ?

Verdict : 3,5/5


IZIA "Let me alone" en Live au Nouveau Casino

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samedi 28 mars 2009

M69 - Peter Von Poehl : "May Day"

Un bijou de musique pop.
Envoûtant et délicat.




Peter Von Poehl, suédois résidant simultanément à Paris, Berlin et Stockholm, a longtemps été un de ces artistes discrets, guitariste au service des autres (pour Bertrand Burgalat, Alain Chamfort, Vincent Delerm, Birdy Nam Nam ou bien au sein du groupe A.S. Dragon. Ce n'est qu'en 2006 qu'il s'est lancé dans une aventure solo avec son premier album Going Where The Tea-Trees Are, un album de pop intimiste qui lui a permis de jouer en première partie de groupes comme Air ou Phoenix.

On le retrouve donc en 2009 avec son deuxième album, May Day. Et les fondements n'ont guère changé : Peter Von Poehl possède toujours ce timbre envoûtant et ce sens inné de la mélodie, celle qui vous transporte en l'espace de deux simples notes. Toutefois, alors que son premier opus pêchait parfois par manque de minutie ou au niveau de la production, celui-ci se révèle bien plus travaillé et fignolé. Les arrangements ne sont plus aussi minimalistes et chaque piste profite d'une instrumentation autrement plus complexe que ce que le suédois nous avait offert jusque là.

Et cela s'entend dès la première piste ! "Parliament" est un beau morceau d'introduction, plutôt rythmé, où s'entrecroisent piano, synthés, cuivres et violoncelles et sur lesquels vient se poser la superbe voix de Peter Von Poehl. Le ton est optimiste et on a tout de suite le sourire à l'entame de cet album.

Pour autant, l'ensemble de l'album n'est pas aussi joyeux et ce n'est pas plus mal. Si les pistes ensoleillées sont plutôt réussies ("Moonshot Falls", "An Eye For An Eye"), Peter Von Poehl n'est jamais aussi bon que lorsque qu'il chante avec mélancolie, sur ces mélodies dont il a le secret. Ainsi "Forgotten Garden", "Mexico", "May Day" ou encore "Lost In Space" sont de toutes beauté. C'est sur ses pistes que les progrès du suédois sont les plus flagrants : non content d'apporter son jeu de guitare raffiné, Peter Von Poehl a muni ces morceaux d'une multitude d'instruments qui contribuent tous à créer des ambiances uniques. Si "Lost In Space" retranscrit à merveille cette sensation de solitude au travers de ses claviers et ses chœurs aériens, "Mexico" et "May Day" profitent eux d'une basse très sonore sur laquelle se posent respectivement des cordes et un joli ensemble piano/cuivres. Ajoutez à cela que la voix du suédois est d'une justesse sans faille et vous obtenez des trésors de musique pop, un travail d'orfèvre. On retiendra également "Silent As Gold" : deux minutes et demi totalement habitées par la guitare acoustique du suédois et sa voix, plus angélique que jamais.


Ayant retenu les erreurs d'un premier disque au souffle court, Peter Von Poehl rectifie donc le tir avec May Day, un album intelligemment produit, tout en finesse et délicatesse, et qui ne souffre d'aucun point faible. Une jolie performance qu'on a hâte de voir sur scène (rendez-vous fin juillet pour son concert à Arles aux côtés de Peter Doherty).


Verdict : 4/5



"Parliament"

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mardi 10 mars 2009

Live Report 05 - Orange Odyssée

Orange Odyssée, ça vous dit quelque chose?

Si la réponse est oui, je me dois de vous adresser toutes mes félicitations étant donné que ce jeune groupe liégeois n'a encore sorti qu'une démo.
Si la réponse est non, il vous faut absolument réagir et pour ce faire, rien de tel qu'une petite présentation de ce groupe qui me tient tout particulièrement à cœur pour diverses raisons !

Orange Odyssée est composé de 3 membres (tous complètement accros à la musique): Hadrien Panelli (ou Billy Ray pour les intimes ...) à la batterie, Victor-Emmanuel Boinem au synthé et Quentin Remi à la basse. Maintenant que les présentations sont faites, on peut passer au plus important : la musique !

Premièrement, ne pas vous fier qu'à leur myspace, si vous en avez l'occasion (et je sais qu'il y a des belges qui nous lisent) allez (que dis-je, foncez !) les voir, vous ne le regretterez pas. La preuve fut encore donnée samedi soir où il parvinrent à conquérir la quasi totalité de l'auditoire avec une simplicité déconcertante ! Il faut aussi savoir que les live d'Orange Odyssée sont assez particuliers dans le sens où une très grande partie est laissée à l'improvisation. Cet aspect nous permet de découvrir l'univers aussi varié et improbable qui influence nos 3 liégeois (imaginez un instant ce que donnerait un habile mélange entre Superpitcher, Squarepusher et Battles par exemple). Univers dans lequel ils parviennent à nous transporter durant leur live, j'ai même cru avoir Squarepusher devant moi à certains moments, c'est vous dire !

Ensuite, je mentirais si je disais que je n'avais pas ramassé une grosse claque en les voyant ce week-end. Ces 3 gaillards arrivent à trouver la mélodie qui collera parfaitement à la ligne de basse lancée à tout hasard par un Quentin Remi planant sur des nuages minimalistes ou encore à une mélodie improbable lancée par un Hadrien Panelli déchainé!

Malgré le fait que leurs improvisations deviennent un peu n'importe quoi par moment, il n'en demeure pas moins qu'il y a une recherche derrière chaque morceau (ou partie de morceau) où il est possible de retrouver leurs nombreuses influences.

Je vous invite donc, dans un premier temps, à découvrir leur univers sur leur myspace.
Avis aux amateurs de minimales, d'expérimentale ou juste curieux de découvrir un jeune groupe prometteur, Orange Odyssée est pour vous!

Myspace

Ps: et ils ont même une page facebook: ici