dimanche 31 août 2008

M42 - Bloc Party : "Intimacy"

"Quoi ? Un nouvel album de Bloc Party ? Tu délires ! Personne n'en parle !
- Si si, j't'assure ! Et même que c'est volontaire que personne soit au courant !"



Une explication s'impose. Oui, Bloc Party vient de sortir son 3ème album intitulé Intimacy (la promo est en accord avec le titre sur ce coup là !). Non, vous ne le trouverez pas à la Fnac. Et oui, pour l'instant l'album est uniquement disponible en téléchargement payant sur le website du groupe, en attendant une véritable sortie du disque fin octobre. Et pourquoi personne n'est au courant ? Tout simplement parce que l'annonce de la sortie de Intimacy s'est faite seulement 3 jours avant sa mise en téléchargement, en plein mois d'août, alors que tout le monde est en vacances, loin d'internet (même les journalistes !).

Mais au final, il vaut quoi cet album ? Parce que Bloc Party a quand même un rang à tenir ! On les a découverts brillamment précoces avec Silent Alarm, ils nous ont ensuite génialement pris à contre-pied avec A Weekend In The City. Et maintenant on les retrouve transcendés, voire même transformés. Allez, lançons l'écoute, histoire d'expliquer ça.

Ça commence avec "Ares" et visiblement, Bloc Party a souhaité nous mettre tout de suite dans le bain. Bon, ils ont quand même voulu nous faire croire à un album dans la simple continuité du précédent avec les synthés calmes au début mais dès que guitares et batterie arrivent, on a compris. On a même encore mieux compris quand le chant scandé de Kele Okereke entre en scène. Bloc Party, c'est vraiment plus pareil. Ce morceau est furieux, urgent, presque violent. Le groupe a de la rage à crier et ils s'y prennent dès la première piste !
On enchaîne sur "Mercury" qui était sorti en single au début de l'été. Des sonorités électroniques très industrielles, des voix hachées, cisaillées, des cuivres difformes et une batterie frénétique, inarrêtable se joignent à des samples de musiques de films genre "attention, quelque chose de grave va se passer". Au final, on obtient un morceau très stressant, un peu comme Portishead a pu faire sur Third, et qui démontre toujours cette volonté de changement du groupe. Pour le coup c'est réussi, tant on a l'impression de ne pas avoir affaire à la même bande qui nous avait fait danser sur les tubes imparables qu'étaient "Banquet" ou "Helicopter".

"Halo", troisième morceau, poursuit dans la même veine, avec un riff de guitare rageur mais pas très original, un chant plus classique, mais le tout reste dans ce même esprit de colère et d'urgence. À 1min20 de la fin, on a droit à un break assez réussi qui aboutit à un crescendo final fulgurant qui achève brillamment un morceau qui aurait pu paraître pour une baisse de régime.
La suite se montre encore bien différente avec "Biko". Au début, tout ce qu'on a, c'est une intro toute calme à la guitare et un chant suave qui rappellent "SRXT", le morceau qui clôturait leur précédent album. Mais un auditeur attentif remarquera qu'une basse insidieuse vient ensuite s'immiscer dans un morceau qui s'annonçait assez posé. Cela se confirme avec l'arrivée de la batterie et le chant qui monte doucement en puissance. Ensuite, un sample de voix est joué en boucle et aboutit sur un silence d'une demi-seconde que des synthés, la guitare du début et la voix implorante de Kele Okereke viennent briser. On pouvait s'attendre à un décollage violent mais finalement, on en reste là et c'est pas plus mal ! On obtient ainsi un morceau chargé en émotions, qui parvient facilement à toucher l'auditeur après toute la violence des premiers morceaux.

Mais pas de place au repos ! "Trojan Horse" pointe le bout de son nez. Un petit riff de guitare très électrique nous rappelle "Hunting For Witches" mais finalement le morceau part dans une autre voie, tout d'abord avec une guitare rythmique qui rendrait presque la chanson dansante, puis ensuite avec un petit solo de guitare plein d'effets d'échos et enfin avec un riff rageur tout en puissance. Bloc Party explore dans un seul morceau plusieurs voies et vu la qualité, cela ne présage que du meilleur.
Nouveau contre-pied avec "Signs" qui démarre au son de glockenspiels, de cloches et de synthés. L'ambiance est optimiste et le chant de Kele Okereke nous ferait presque croire que la colère est passée. Quelques cordes viennent rejoindre le tout quand la voix s'élève mais cette chanson laisse une impression de simplicité bienvenue et tire sa force d'arrangements complexes et réussis.

Héhé vous y avez cru, n'est-ce pas, que c'était fini les morceaux furieux ? "One Month Off" vient prouver le contraire. La batterie frénétique est de retour, tout comme la guitare furax qui nous joue ici un riff basique mais bien troussé. Lorsque le refrain arrive, Bloc Party fait étalage de toute sa puissance sonore : voix, guitare, rythmique, tout monte encore d'un cran. On pense un peu au tube "Banquet" mais dans une veine bien plus electro-industrielle, moins dansante et plus percutante.
"Zephyrus" arrive ensuite et se montre toujours aussi surprenant. Ici, on a pour seule instrumentation des chœurs, des synthés à la Portishead, une batterie syncopée et quelques samples électroniques. Le tout est très réussi et a des allures de plainte désespérée juste avant l'apocalypse.

Avant-dernière piste, "Better Than Heaven", commence doucement mais on sent la tension poindre, surtout lorsque Kele Okereke commence à élever le ton pour une sorte de refrain, soutenu par un synthé (une guitare ?) du plus bel effet. Finalement, la tension atteint son paroxysme à 2min50. Tout explose : guitare, basse, batterie, synthés et chant se désynchronisent et expriment chacun de leur côté une rage puissante et électrique.
Intimacy s'achève sur son morceau le plus long, "Ion Square" (6min 33). Ambiance feutrée au démarrage, batterie en arrière plan, un sample qui fait penser à un violon en sourdine, mais tempo assez rapide : ça ne peut qu'exploser à un moment ou un autre. Soudain, un refrain sublime qui pourrait se fondre avec les couplets si une instrumentation intelligente ne le mettait pas en valeur. Pas besoin de monter le volume, juste faire sentir à l'auditeur que quelque chose change. Par la suite, le niveau sonore s'élève sans qu'on y prenne garde. Le morceau devient épique, aérien, magnifique. Un morceau final qui semble signifier que la violence et la fureur sont passées, qu'elle ont laissé place à l'apaisement, à la sérénité.

Que conclure de cet album ?
Que tous les morceaux qui le composent sont superbes, cohérents et sans équivalent à l'heure actuelle ? Pas seulement.
Qu'il est la confirmation de l'immense talent de Bloc Party ? Pas seulement.
C'est avant tout la preuve de l'envie du groupe de se réinventer sans cesse, de ne pas stagner, d'être différent à chaque album. Mais se réinventer n'est pas tout, c'est une démarche artistique honorable mais le groupe ne se contente pas de cela. Chacune de ses renaissances aboutit à un grand album qui surpasse le précédent. Silent Alarm était déjà prodigieusement réussi, A Weekend In The City avait révélé un groupe mature et en pleine ascension. Intimacy achève cette formidable croissance par un album épique, à la fois brûlant et frissonnant, puissant et glorieux. Mais surtout, il symbolise l'accession de Bloc Party à l'étage des grands groupes. Celui auquel on accède difficilement mais qu'on peut quitter au moindre faux pas.
Bloc Party
n'en compte pour l'instant aucun.

Verdict : 4,75/5



"Mercury"

Myspace

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Salut,
Ah je suis content de trouver quelqu'un qui partage mon enthousiasme pour ce Bloc Party et qui y entend les mêmes références.
A+
Benjamin
http://www.playlistsociety.fr/2008/09/bloc-party-intimacy-910.html