dimanche 10 août 2008

M38 - Amusement Parks On Fire : "Out Of The Angeles"

1991 : avec son disque Loveless, My Bloody Valentine vient de donner naissance au premier grand album de shoegazing.
2004 : après quelques années passées aux oubliettes, le shoegazing refait surface grâce à Michael Feerick, un jeune anglais
découvert par Geoff Barrow (Portishead) qui publie sous le nom de Amusement Parks On Fire son premier album.
2006 : Amusement Parks On Fire est devenu un véritable groupe et sort un deuxième album, Out Of The Angeles, sur lequel repose beaucoup d'attentes après un premier album remarqué.


"Hé, papy ! papy ! C'est quoi le shoegazing ?"
Le shoegazing, comme le dit si bien Wikipedia, tire son nom des mots anglais "shoe" (chaussure) et "gaze" (regarder) et décrit l'attitude des guitaristes shoegazers qui passent leur concert à fixer les pédales d'effets qu'ils actionnent sans cesse avec leur pieds. En gros, le shoegazing, c'est du rock à tendance alternatif, avec beaucoup d'effet de distorsion, avec une voix souvent en retrait par rapport aux guitares, mais le tout reste quand même assez mélodieux.

Voili voilou pour le cours théorique, et maintenant, musique maestro!
L'album commence par la chanson éponyme, "Out Of The Angeles" qui elle-même démarre par un silence à peine troublé par de vagues sonorités d'écho, à la fois aériennes et aquatiques (oui oui ça se peut !). Arrivent en suite des accords de guitare électrique en sourdine, sur laquelle vient se poser une voix juvénile, frêle, puis une rapide montée du volume de l'écho initial lance véritablement le morceau. Le guitariste met l'ampli en marche, ainsi que ses dizaines de pédales d'effets, tandis que le batteur martèle ses fûts sans retenue. La montée en puissance continue encore et toujours jusqu'à l'arrivée d'un refrain salvateur au bout de 3 minutes. La voix reste fragile et pourtant elle parvient à grimper avec détermination par dessus les murs de sons érigés par les guitares. Les deux dernières minutes du morceau (qui dure 6min 30) sont absolument époustouflantes, une démonstration de force, toute en maîtrise et style. Impressionnant, et ce n'est qu'un début !

On enchaîne sur "A Star Is Born" qui semble partir sur les mêmes bases que la première piste, même si ça sent un peu plus le pop/rock par moment. Soudain, à 2min 30, le morceau fait mine de s'effondrer, les guitares calment le jeu, des violons pointent le bout de leur nez, mais en fait non. À 3min 50, un bon vieux larsen des familles arrive et on repart pour une construction d'un mur de son. C'est puissant, habité et maîtrisé jusqu'à la dernière seconde des 7 minutes du morceau. Tous ces effets en pagaille pourraient très bien transformer tout ça en une soupe bruitiste insupportable mais il n'en est rien. La production est de qualité, chacun des instruments (dont la voix) est à sa place et utilisé à sa juste valeur.

La piste suivante, "At Last The Night", est plus brève et vient calmer le jeu en proposant une sorte d'interlude où les guitares ne font plus la loi. Pendant 3 minutes, les violons et le glockenspiel prennent les commandes et viennent soutenir avec émotion et sobriété le chant toujours aussi frêle de Michael Feerick. C'est agréablement dépaysant, à renouveler !
"In Flight" arrive ensuite : Amusement Parks On Fire ressort les guitares, les pédales d'effets et la grosse batterie pour un morceau qui fait dans la surenchère rythmique : une mélodie quasi-inexistante, des guitares tellement surchargées d'effets qu'elles ne jouent plus qu'un vague vrombissement, une batterie plus carrée que jamais. Malgré tout, le tout reste efficace, surtout grâce au chant énergique qui apporte le liant nécessaire à un morceau qui aurait pu s'avérer assez lassant.

Cinquième morceau, "To The Shade" montre que le groupe est également prompt à évoluer dans des tonalités bien plus indie/pop et s'en tire même plutôt pas mal ! On échappe bien sûr pas aux guitares distordues, notamment pour le refrain, mais cela reste plus accessible car bien plus mélodieux. Mais du coup, on perd un peu en originalité ce qu'on gagne en efficacité.
"So Mote It Be" apparaît ensuite et on s'aperçoit qu'on a affaire à un truc bizarre. Un interlude instrumental où on assiste à un long dialogue entre un violon maladif et une guitare dont le son est tellement torturé qu'il ressemble à un cri de baleine (!). Cette sensation est accentuée par la présence de bruits de vagues dans le fond. Une piste assez étrange qui s'insère bien dans la tracklist mais qui semble difficile à écouter de manière isolée.

Le morceau suivant, "Blackout", est le premier single issu de Out Of The Angeles et on comprend tout de suite ce choix. Une rythmique hyper efficace, des tonalités pop/rock, un refrain accrocheur, une durée relativement plus brève (4 minutes). Un morceau bien plus vendeur que les longues épopées vues précédemment qui, malgré leurs qualités incontestables, sont indubitablement bien moins accessibles qu'une chanson comme celle-ci qui mise d'avantage sur l'efficacité et l'urgence.
Toutefois, ce virage pop/rock s'achève rapidement et laisse place à la pièce maîtresse de l'album, j'ai nommé "Await Lightning". Deux notes distordues de guitare jouées en boucle, une lente montée en puissance, puis une explosion sonore, un riff de refrain absolument ahurissant qui finit par imploser en une déferlante bruitiste de toute beauté. Et ça trois fois. Ensuite, le morceau change de voie, laisse davantage de place au chant qui s'élève avec puissance par dessus une instrumentation déchaînée. Huit minutes trente-cinq secondes de toute beauté qui légitiment à jamais la résurrection du shoegazing effectuée par Amusement Parks On Fire. La parfaite symbiose entre un rock moderne à la fois urgent et mélodieux et les guitares surchargées d'effet héritées de groupes comme My Bloody Valentine ou Slowdive. Sublime.

L'avant-dernière piste de l'album se profile ensuite. "No Lite No Sound" est un long morceau hypnotique, très répétitif, qui démarre tout doucement mais se chargement lentement de nombreuses couches sonores, entre nappes de synthés, violons et écho d'effets de guitares. 7 minutes qui se sont comme écoulées comme si on était plongé dans un rêve, sans véritable notion de durée. Un morceau qui ne paye pas forcément de mine à la première écoute mais qui révèle tout son charme au fil des écoutes.
On termine sur "Cut To Future Shock", morceau de clôture en deux parties. La première, de 6 minutes, est typiquement dans la veine shoegazing, particulièrement efficace, et s'achève dans un effet de larsen à vous vriller les tympans. S'en suit un petit passage de silence puis à 10min 50 une musique toute douce réapparait. Quelques notes aériennes d'un instrument de type xylophone accompagnés par quelques nappes de synthés et de discrets accords de guitare. Une surprise finale très agréable et qui met à la fois fin à un morceau de 14 minutes et à un album de plus d'une heure.

On dit que le cap du deuxième album est toujours très difficile à franchir pour un groupe dont le premier effort a été remarqué. Amusement Parks On Fire ne s'est pas contenté de le passer avec brio, ambition et puissance, le groupe a poussé le vice jusqu'à produire un nouvel album référence en matière de shoegazing, 15 ans après la naissance du genre.
Alors que Kevin Shields, leader de My Bloody Valentine, annonce la reformation de son groupe, on se demande si l'élève Michael Feerick n'a pas déjà dépassé le maître.

Verdict : 4,5/5


"In Flight" (version courte)

Myspace

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